Les défis du mouvement des Femmes autochtones à la CEDEF : Contribution du Népal

Bien que la CEDEF soit un traité juridiquement contraignant, de nombreux pays, dont le Népal, ne l’ont toujours pas mise en œuvre. Lors de la deuxième Conférence mondiale des Femmes autochtones, les Femmes et les Filles autochtones du Népal ont parlé des sérieux défis auxquels elles sont aux prises, comme le colonialisme interne, le racisme, une idéologie patriarcale, les politiques et d’autres problèmes pratiques qui freinent la mise en œuvre de la CEDEF.

Anita Gurung, du Népal

Les femmes népalaises ont organisé l’une des six séances interactives de la deuxième Conférence mondiale des Femmes autochtones (2CMFA), une table ronde intitulée CEDEF : Recommandation générale sur les droits des Femmes autochtones

Teresa Zapeta, directrice générale du FIMI, a ouvert la séance interactive en souhaitant la bienvenue à toutes les participantes avant de présenter la vice-présidente du Comité de la CEDEF, Nahla Haidar, afin qu’elle parle de l’importance de la CEDEF et de cette recommandation générale concernant les Femmes et les Filles autochtones.

Mme Haidar a mentionné l’article 39 de la CEDEF, qui traite des droits des Femmes et des Filles autochtones. Elle a ajouté que les droits des femmes consacrés dans la convention internationale et dans l’ensemble du système des Nations Unies sont les mêmes qui doivent être appliqués dans le contexte des Femmes et des Filles autochtones. Elle a donné des précisions sur les objectifs et la portée des recommandations générales. 

Après la présentation de Mme Haidar, la parole a été donnée à l’équipe népalaise qui était modérée par Ritu Thapa Magar. Le gouvernement népalais a ratifié la CEDEF le 22 avril 1991 et a également ratifié en juin 2007 le protocole de la CEDEF. Les Femmes autochtones nationales du Népal s’efforcent de trouver et de définir leur espace. Les Femmes autochtones du Népal, y compris les filles, les Femmes autochtones en situation de handicap et la communauté LGBTI, font face à de sérieux défis, dont le colonialisme interne, le racisme, une idéologie patriarcale, les politiques et d’autres problèmes pratiques, qui génèrent un environnement défavorable à la mise en œuvre effective de la CEDEF. Il est également difficile pour les Femmes autochtones de faire campagne pour leurs droits individuels et collectifs conformément aux dispositions de la CEDEF, car lorsque les Femmes et les Peuples autochtones en général parlent de leurs droits, elles et ils sont souvent taxés d’isolationnisme, d’antipatriotisme ou de vouloir perturber l’ordre, entre autres qualifications. 

Bien que la CEDEF soit un traité juridiquement contraignant, le Népal ne l’a toujours pas mise en œuvre. Tant que l’État viole la loi en ne prenant pas de mesures effectives pour mettre en œuvre la CEDEF, celle-ci demeure pratiquement sans effet. De même, le leadership des Peuples autochtones a toujours été restreint par les élites politiques, mais malgré cela les leaders autochtones doivent mener des efforts de plaidoyer au sein du système politique. Le défi demeure donc de taille.

Comme les femmes et les hommes autochtones vivent sous le colonialisme, le capitalisme néolibéral et la mondialisation, il n’est pas facile de faire connaître les droits collectifs des Peuples autochtones, les droits à l’autodétermination et à la terre, le principe du consentement libre informé et préalable (CLIP), le droit coutumier et les connaissances traditionnelles autochtones. Historiquement, du niveau local au niveau national, les taux de participation et de représentation des Femmes autochtones sont trop faibles. Le fait que les gouvernements provinciaux et locaux ne connaissent pas la CEDEF, que ce soit par ignorance ou par négligence, constitue également un défi critique. En raison de la création de parcs nationaux et d’autoroutes de transmission hydroélectrique, les Femmes autochtones nationales sont souvent forcées à quitter leurs terres ou à voir leurs moyens de subsistance gravement affectés. 

En 2018, le comité de la CEDEF a recommandé au gouvernement népalais d’aligner les droits des Femmes autochtones sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) en les intégrant dans le cadre d’un processus de réforme constitutionnelle. Sur ses 53 recommandations, le rapport parle également de 15 problèmes de droits. Enfin, il s’agit aussi d’un défi pour les Femmes autochtones, parce que la CEDEF elle-même n’est pas entièrement alignée sur la DNUDPA. De nombreux changements et réformes sont donc nécessaires.

 

Réponse du gouvernement

Yam Kumari Khatiwada, du ministère des Femmes, des Enfants et des Personnes âgées, a souligné les initiatives et les réalisations du gouvernement dans la mise en œuvre des recommandations de la CEDEF. Elle a présenté des dispositions constitutionnelles relatives aux droits des femmes, comme le droit à l’égalité, à la justice sociale et à la sécurité, à l’héritage de la propriété, à la protection contre les violences de genre, et à la santé reproductive. 

Ces droits, ainsi que d’autres dispositions juridiques fondamentales, doivent se traduire par un taux de participation des femmes d’au moins 33 pour cent dans tous les mécanismes de l’État, la création d’une commission nationale des femmes en tant qu’organe constitutionnel, des actions positives dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi, de la sécurité sociale et de l’identité, des dispositions spéciales pour les minorités de genre et sexuelles, et la parité salariale. 

La politique d’égalité de genre de 2021 devrait représenter une étape importante pour l’intégration des enjeux et engagements relatifs aux femmes à tous les niveaux du gouvernement. Le 15e plan périodique est en cours de mise en œuvre, avec l’objectif d’implanter un système de gouvernance respectueux de l’égalité de genre pour mettre fin à toutes les formes de discrimination, de violence et d’exploitation envers les femmes. 

La participation et l’accès des femmes aux ressources, aux opportunités et aux avantages sont les objectifs spécifiques à atteindre d’ici la fin du plan périodique. La rédaction du deuxième plan d’action pour la mise en œuvre de la CEDEF a été finalisée. 

En raison des réformes juridiques et institutionnelles, la représentation politique des femmes a augmenté de manière encourageante. Elles occupent maintenant 33 %, 34 % et 41 % des sièges au parlement fédéral, aux assemblées provinciales et aux assemblées locales, respectivement. Les femmes occupent également 9 des 16 sièges à la commission parlementaire fédérale, 90 % des postes d’adjointes à la mairie et de vice-présidence des gouvernements locaux, et 18 d’entre elles sont maires. De même, les taux de participation des femmes au sein des organes gouvernementaux et non gouvernementaux ainsi que dans le secteur privé sont encourageants.

Plus d’une douzaine de processus juridiques sont en cours d’application pour gérer le problème des violences basées sur le genre et d’autres pratiques néfastes dans l’ensemble de la société. De fortes dispositions légales ont été prises pour contrôler et sanctionner les attaques à l’acide. Des règles relatives à la lutte contre les violences basées sur le genre et la traite ont été mises en œuvre en collaboration avec les gouvernements provinciaux et locaux et la société civile.

Au niveau fédéral, le processus d’intégration des questions de genre s’est heurté à quelques obstacles, dont le manque de données désagrégées pour mieux diagnostiquer les disparités entre femmes et hommes dans divers secteurs. Le gouvernement s’efforce de remédier à ces problèmes par le biais de réformes institutionnelles et juridiques.

 

Le besoin d’agir

Kamala Parajuli, présidente de la Commission nationale des femmes du Népal, a présenté des recommandations concrètes d’actions à prendre par le gouvernement pour protéger les droits des Femmes autochtones dans le pays.

Mme Parajuli a expliqué que des études démontraient que les Femmes autochtones sont victimes de discrimination en raison de leur sexe, mais également de leur origine ethnique, de leur langue, de leur culture et de leur religion. 

De même, en raison de leur accès limité aux grands médias du monde, leurs connaissances traditionnelles et leurs traditions culturelles sont restées dans l’ombre. Les conflits, les catastrophes naturelles, les inondations et les pandémies ont également eu un impact négatif sur les Femmes autochtones. Bien que l’État ait pris des dispositions pour assurer une participation et une représentation égales pour tous les groupes ethniques et les personnes de tous les genres, ces politiques n’ont malheureusement pas été effectivement mises en œuvre, ce qui constitue un grave problème. La Commission nationale des femmes a produit un rapport auquel ont également participé les Femmes autochtones, et la Commission s’est engagée à collaborer avec toutes les Femmes autochtones du Népal dans leurs futurs projets. 

 

L’importance de la CEDEF

Bandana Rana, membre du comité de la CEDEF à l’ONU, a parlé des principaux obstacles rencontrés par les Femmes autochtones pour l’exercice des droits qui leur sont consacrés dans les instruments internationaux comme la CEDEF. 

À son avis, les conclusions et recommandations de la CEDEF sont d’une grande importance pour protéger et promouvoir les droits des femmes en conscientisant les organisations gouvernementales et la société civile. Dans le cas des Femmes autochtones, elles font face aux discriminations à plusieurs niveaux, problème que la CEDEF a abordé lors de divers dialogues, présentant également des recommandations pour apporter des solutions. Il demeure toutefois difficile de faire entendre les problèmes des Femmes autochtones : leur situation ne permet pas un accès facile à l’information, leurs droits traditionnels aux terres ancestrales ne sont pas protégés, et elles ont peu accès aux services sociaux. 

Dans le contexte de la COVID-19, la CEDEF a publié des directives pour évaluer l’impact de la situation sur les Femmes autochtones à travers le monde. La CEDEF a également insisté sur l’importance de préserver les connaissances traditionnelles et la culture des Femmes autochtones afin d’assurer l’harmonie sociale. 

Bien que les Femmes autochtones soient désavantagées à l’échelle mondiale, les Femmes autochtones du Népal ont eu relativement plus de succès au niveau local pour la réalisation de leurs droits. Yasoo Kanti indique toutefois qu’une réforme constitutionnelle demeure nécessaire pour renforcer les droits des Femmes autochtones au Népal. Son message confirme l’importance cruciale d’inclure les Femmes autochtones et leurs droits dans tous les articles de la CEDEF.

Cette séance a été organisée conjointement par quatre organisations : Indigenous Women Federation (NIWF), National Indigenous Women Forum (NIWF), National Indigenous Disabled Women Association Nepal (NIDWAN) et Indigenous Women Legal Awareness Group (INWOLAG). La séance interactive portait sur la mise en œuvre de la CEDEF au Népal.